Joseph Sigward
Lettre anonyme
Je précise que Le Barbare et la jeune juive a hanté les cabinets de lecture de tous les grands éditeurs parisiens… sans autre résultat qu'une indifférence polie, dans le meilleur des cas ! Il est arrivé cependant que des lecteurs, en désaccord avec les consignes des décideurs, se manifestent. Je vais en donner un exemple particulièrement signifiant.
Un ami appartenant au milieu littéraire confia, à l'issue d'un repas, mon manuscrit au dirigeant d'une grosse maison d'édition. Ce monsieur, ayant fort bien déjeuné, promit de le lire personnellement.
Or, le 11 mars 1998, mon ami recevait une lettre qui, dois-je l'avouer, me combla.
J'en livre le contenu expurgé de tous les éléments rendant trop aisée l'identification de la rédactrice.
Monsieur, J'espère que vous pardonnerez et que vous n'ébruiterez pas une démarche insolite et… déontologiquement interdite. En effet, je suis lectrice occasionnelle chez xxxxx. J'ai lu le manuscrit que vous aviez confié à xxxxx : Le Barbare et la jeune juive. Ce fut pour moi un privilège. Ma notation s'en ressentit. Selon mon entendement elle se justifiait pleinement… L'écriture est élégante, l'érudition étonnante pour un contemporain, les propos décapants, l'action musclée jusqu'à la sauvagerie, l'histoire d'amour superbe, bref, croyez-moi un courant d'air vivifiant dans la grisaille de mes lectures obligées. Les quelques difficultés, liaisons entre chapitres, sont minimes et ne justifient pas un remaniement. Elles sont la marque d'un tempérament. Or, ce livre a été refusé pour des raisons qui n'ont rien
à voir avec la littérature. J'ai appris que vous connaissiez l'auteur. Dîtes-lui qu'il doit continuer sa quête. Il serait dommage que ce roman reste dans la cave de l'une de ces maisons d'édition qui osent publier, sans honte, tant d'inepties. Je vous remercie. xxxxx |